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Le NIR ou 39 ans de réflexion

Cédric Cartau, MARDI 11 AVRIL 2017

Excellent article[1] de Pierre Desmarais sur son blog concernant la légalisation de l’utilisation du NIR (numéro Insee) dans le monde de la santé.  

Rappelons en effet que la Cnil, créée en 1978 à la suite du mal nommé projet Safari et d’un article célèbre du journal Le Monde à propos de cette tentative d’interconnexion des fichiers administratifs à l’aide du numéro Insee, s’est toujours opposée bec et ongles à l’utilisation du NIR comme identifiant patient dans le monde de la santé, au motif du risque de croisement de données sans maîtrise des conséquences. Après une première tentative en 2007 des autorités pour légaliser l’usage du NIR – tentative contrée encore une fois par la Cnil –, la loi de santé 2016 revient à nouveau sur ce sujet et tranche (définitivement ?) avec l’article L. 1111-8-1 du Code de la santé publique prévoyant l’utilisation du NIR à des fins de prise en charge sanitaire et médico-sociale.

En résumé, il faut retenir que :

  • L’utilisation du NIR n’est pas une option ; il est obligatoire sauf impossibilité manifeste (patient étranger, patient incapable de fournir le numéro, etc.) ;
  • Des cas d’identifiant temporaire sont prévus, mais doivent être fusionnés dès que possible avec le NIR ;
  • Le NIR est l’identifiant d’accès uniquement pour la partie Soins ; on en déduit que pour la partie Recherche, il n’est pas autorisé ;
  • On note une imprécision sur l’utilisation du NIR par les personnels administratifs de l’unité de soins, rémanence du débat sur l’étendue de l’« équipe de prise en charge » ;
  • L’accès aux données du patient ne pourra se faire qu’en sa présence et avec son accord, du fait de la nécessité de la carte Vitale ;
  • Et, pour finir, la mise en œuvre est prévue en janvier 2020 ; le décret d’application précisera quelques points additionnels, notamment les modalités de contrôle et de sécurité.

À la lecture de cet article, il nous vient quelques questions pratico-pratiques, et pas des moindres. Que le NIR soit l’identifiant unique, et que l’impossibilité de le connaître autorise un ID temporaire suivi d’une fusion, pas de problème, les établissements de soins font cela tous les jours, c’est du connu.

Par contre, quel impact sur le processus de recherche ? Si dans l’esprit du législateur le processus de recherche est distinct de celui du soin, sur le terrain rien n’est moins évident : les chercheurs vous expliqueront que la recherche clinique doit permettre de remonter aux patients d’une cohorte.

Ensuite, l’accès au dossier en présence du patient en possession de sa carte Vitale risque de complexifier les flux de patients. Aujourd’hui, une fois passé l’admission (qui peut être centralisée ou pas), le patient se promène avec des étiquettes et un IEP, identifiant sur lequel se basent les différentes personnes qui le prennent en charge. S’il faut entrer de nouveau une carte Vitale dans un lecteur à fente à chaque étape du processus, je prévois des ennuis logistiques de taille : équipement en lecteurs, traitement des pannes, etc.

Je note enfin qu’après 39 années d’atermoiement les crânes d’œufs qui nous gouvernent ont enfin décidé de décider. Et nous, on a aussi 39 années pour appliquer ?

 


[1] http://www.desmarais-avocats.fr/blog/5-questions-sur-lutilisation-du-nir-comme-identifiant-de-sante/ 

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