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Hôpital 4G ? Think different ☺

Michaël De Block , MARDI 03 OCTOBRE 2017

Il y a quatre ans, quand le nouveau directeur général du centre hospitalier de Troyes a pris ses fonctions, je ne vous cacherai pas que je fus quelque peu désarçonné par ses propos. Il me parlait de bornes interactives, de patients acteurs de leur parcours de soins et de développement des liens avec le secteur médico-social.

Nous sortions à peine d’une période difficile où il fallait convaincre les médecins d’utiliser l’informatique et nous avions encore beaucoup à faire pour moderniser un système d’information qui était loin d’être un modèle en termes de sécurité et de convergence entre les dizaines d’applications logicielles qui le constituaient. Nos préoccupations étaient légitimement terre à terre, et quand il me parlait de son iPhone, je pensais qu’il voulait nous orienter vers les outils Apple (comme beaucoup d’établissements publics de santé, nous étions « full » Microsoft pour des raisons économiques évidentes), alors qu’il affichait simplement sa volonté de penser différemment (comme Steve Jobs) la manière de faire évoluer l’hôpital…

Et alors que tout le monde commençait à penser l’hôpital 2.0, il me parlait déjà d’hôpital 4G, en référence à sa volonté d’imaginer l’avenir de l’hôpital en lien avec la ville, et donc la mobilité afférente…

La nouvelle loi de santé et l’arrivée des GHT ont conforté sa vision. La convergence des SI est devenue interétablissements tandis que les liens entre le sanitaire et le médico-social se sont concrétisés dans notre GHT, grâce au portail sécurisé ville-hôpital MyGHT et aux développements des applications smartphones associées.

Quatre ans après, et alors que le schéma directeur des SI du GHT est entré en application, de nouveaux éléments m’amènent à penser que cette démarche novatrice ne cesse de s’étoffer…

Sur le plan de la gouvernance, le DG a souhaité imaginer une nouvelle instance décisionnelle : le comité de pilotage de la transition numérique de GHT (la sémantique lexicale est importante). Par le passé, chaque établissement avait sa propre instance de décision appelée « comité d’orientation » et de suivi du système d’information : cette approche louable en termes de planification et de priorisation des projets de l’hôpital commença à montrer ses limites fin 2016. En effet, si chaque établissement décidait de lancer une dizaine de projets chaque année, avec la mutualisation des hôpitaux, le service informatique territorial se retrouvait avec un nombre ingérable de projets à mener de front, au regard des ressources humaines dont il dispose. Dans notre GHT, on dénombrait 102 projets informatiques en juin 2017 pour seulement 30 informaticiens… La nouvelle instance a permis de prioriser 10 projets à conduire simultanément sur six mois, en parfait accord avec les directeurs délégués de chaque établissement.

Sur la manière de communiquer, là encore, la décision de rompre les codes a été forte : un exemple concret, cette semaine, avec la participation des Hôpitaux Champagne Sud au Salon Retraite active. Mais que peuvent bien faire des hôpitaux publics dans un tel événement ? Valoriser l’activité Ehpad du GHT, certes, mais surtout médiatiser encore davantage les projets innovants hospitaliers, pour amener le grand public et les acteurs de la Silver économie à considérer l’hôpital public autrement. S’agissant de SI, bien évidemment, on ne parlera pas de DPI, mais de robotique et de portail sécurisé, afin de faire comprendre aux patients seniors que l’optimisation de leur parcours de soins passera aussi par leur implication…

Et pour rendre le patient encore plus acteur de son parcours de soins, la mise en place de kiosques interactifs dans les halls de nos établissements permettra – à ceux qui ne disposent pas d’Internet chez eux ou qui n’oseraient pas se lancer dans la démarche seuls à domicile (défiance légitime en matière de sécurité) – de découvrir prochainement, avec l’aide d’une hôtesse assistante médico-administrative, les outils de dématérialisation qui lui épargneront les files d’attente hospitalières classiques pour effectuer son admission, prendre un rendez-vous, imprimer un document administratif pour son employeur, payer sa facture ou scanner des documents personnels (carte d’identité, passeport, ordonnance, etc.) et les intégrer à son dossier patient de GHT.

Enfin, et parce que l’aide au changement ne pourra se faire qu’avec les agents de nos établissements, le démarrage de l’application smartphone MyGHT Agents permet d’accéder à son planning, de consulter ses congés ou la docuthèque RH, d’effectuer des démarches sans avoir à se rendre à la DRH ou encore d’interroger les différentes directions du GHT de manière sécurisée.

Tous ces projets ont été accompagnés d’un acte symbolique et pragmatique fort : la création d’un poste de « consultant médical e-santé » qui conseille, accompagne et contrôle les projets innovants du GHT. Chez nous, le bénéfice de son action est d’autant plus significatif qu’il est, par ailleurs, président du conseil départemental de l’ordre des médecins.

Penser différemment nous a donc pris du temps. Mais les retours sur investissement commencent à se traduire par de nouvelles conventions sanitaires/médico-sociales (génératrices d’activité), des gains de temps et des économies d’échelle sur des opérations où l’action humaine n’est pas forcément nécessaire, afin de réorganiser au mieux nos ressources hospitalières sur notre mission principale (le soin bien évidemment) et d’optimiser les ressources financières de nos établissements, dans un contexte économique de plus en plus difficile.

L'auteur 
Michaël De Block est directeur de l’information numérique des Hôpitaux de Champagne Sud et administrateur du groupement de coopération sanitaire Santé Numérique, GCS de moyens informatiques du GHT de l’Aube et du Sézannais.

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