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Digital ou numérique, la fin d’une polémique ?

Thierry Dumoulin, LUNDI 08 JANVIER 2018

Le GCS UniHA vient de renommer sa filière NTIC en filière Santé digitale et numérique. Cette initiative est de nature à réconcilier les tenants du parler vrai et ceux du parler bien.

Du bon usage des mots

Le débat semble sans fin. Pour certains « digital » s’impose par sa modernité, et l’hégémonie de l’anglais dans les technologies semble valider cet usage. Pour mémoire, « digital » qui en anglais signifie « numérique » a envahi notre langue, alors que le terme « digital » existe déjà en français et signifie « relatif aux doigts ». C’est ce qu’on appelle un glissement sémantique. Or les glissements sémantiques sont à l’origine de nombreux problèmes, y compris en informatique où ils causent des erreurs de programmation. En dehors de l’informatique, le glissement sémantique, quand il n’est pas le fait d’une simple erreur, peut également être un moyen rhétorique utilisé à des fins manipulatoires. C’est pourquoi, par principe, j’ai toujours été opposé à l’emploi d’un terme pour un autre et donc de « digital » pour « numérique ». Il ne s’agit pas de se battre contre l’introduction de mots anglo-saxons dans notre langue. Ce combat est perdu d’avance. Simplement, quand un mot existe déjà avec un sens différent, et que l’équivalent français du mot anglais existe lui aussi, je ne vois pas l’intérêt de le remplacer. Et puis je trouve que le snobisme du « franglais » qui sévit encore chez les professionnels de la technologie est dépassé, désuet, voire même ringard.

Santé digitale et numérique

Voilà où j’en étais concernant le « digital » quand j’ai appris que nos collègues d’UniHA ont renommé la filière NTIC « Santé digitale et numérique ». De prime abord, la formule paraît redondante, mais en accolant les deux termes, nos homologues d’UniHA ont fait à mon avis un choix judicieux. En effet, la présence de ces deux mots ensemble montre clairement qu’ils ont dans notre contexte des significations distinctes. En laissant au terme numérique son caractère technique, on le laisse faire écho aux technologies bien connues des ingénieurs. Derrière numérique, l’informaticien que je suis voit défiler des pages de 0 et de 1, des codes ASCII et des valeurs hexadécimales.

Que penser alors de la santé digitale ?

Un processus ne se numérise pas

À la base de la transformation numérique que nous vivons au quotidien se trouve un merveilleux théorème mathématique de la théorie de l’information. Inventé par Claude Shannon, ingénieur et mathématicien. Il énonce que tout signal (acoustique, lumineux, électrique…) peut se représenter sous forme de nombres et, à partir de là, avec des 0 et des 1. On peut donc numériser une image médicale, un électrocardiogramme, l’activité électrique d’un neurone, bref tout type de signal. C’est ainsi qu’il est possible de stocker et de transmettre ces éléments en utilisant des ordinateurs et des réseaux informatiques.

En revanche, le théorème ne s’applique pas à une activité humaine, à un processus ou à une organisation et encore moins à la santé en général. Adosser un processus ou une organisation à des technologies numériques ne consiste pas à les numériser. C’est en transformer les usages à base de logiciels et d’équipements numériques divers. En ce sens, le digital s’appuie sur le numérique. Le digital concerne l’usage des technologies dans sa dimension humaine et organisationnelle.

Et l’hôpital numérique alors ?

Du coup, faut-il dire hôpital numérique ou hôpital digital ? Si on applique la logique précédente, disons que la transformation digitale de l’hôpital est l’affaire des professionnels métiers, des maîtrises d’ouvrage, des directions fonctionnelles et que la transformation numérique est celle des ingénieurs. Le terme retenu par UniHA est donc bien approprié. Nous œuvrons tous pour la santé digitale et numérique.

L'auteur : 

Thierry Dumoulin est responsable du département Infrastructures numériques et services de proximité au CHU de Nantes. Ingénieur diplômé de l’École centrale de Nantes, où il intervient dans le cursus informatique, il a débuté sa carrière chez un grand constructeur avant de rejoindre les hôpitaux en 1997. Ses différentes missions (direction de projets, démarche qualité…) l’ont conduit à aborder un très large éventail de problématiques dans le domaine du numérique : aspects applicatifs, technologiques, méthodologiques et organisationnels, sécurité des SI.

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