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GHT et mutualisation des logiciels : les « petits » éditeurs en sursis ?

Par Omar YAHIA & Luiza GABOUR , MARDI 07 MARS 2017

Chacun le sent. Chacun le sait. La convergence fera inexorablement disparaître, dans sa trajectoire, la diversité des logiciels, présente dans les établissements membres des GHT. A la date couperet du 1er janvier 2021, le système d'information hospitalier (SIH) devra disposer d’applications identiques pour chacun des domaines fonctionnels, conformément aux dispositions de l’article R.6132-15 du code de la santé publique.

Dans le cadre de la mutualisation de la fonction achats, un plan d'action des achats du GHT doit être élaboré pour le compte des établissements membres.

Les conséquences semblent, à première vue, parfaitement prévisibles. La mise en œuvre progressive des GHT entraîne une profonde mutation de l’achat public hospitalier tant pour les acheteurs, dont les effectifs vont mécaniquement diminuer, que pour les prestataires qui, du fait d’un transfert de compétence au profit de l’établissement support, vont se retrouver en position dominante, pour les uns, et seront voués à disparaître, pour les autres.

Cette fin étant inéluctable, se pose dès lors la question de l’évolution de la trajectoire, c’est-à-dire concrètement la généralisation de certains logiciels présents sur une partie des GHT, au détriment de leurs produits concurrents, et en particulier, le sort de certains marchés en cours d’exécution avec les fournisseurs de logiciels actuels.

S’agissant des marchés en cours d’exécution ou dont la consultation a été engagée avant le 1er juillet 2016, les établissements membres devraient - en l’absence de précision de la loi à ce titre - demeurer compétents pour en assurer la poursuite de l’exécution. Les principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité font en effet obstacle à ce qu'une règle nouvelle s'applique, au sens où elle les remettrait en cause, à des situations déjà constituées sous l'empire des anciennes règles (CE, Ass., 25 juin 1948, Société du journal L'Aurore, n°94511).

Le Conseil d’Etat admet toutefois la possibilité d’une substitution du pouvoir adjudicateur sous réserve de l’accord du titulaire du marché (CE 25 octobre 1978, Société d'organisation, coordination et industrialisation du bâtiment O.C.I.B., n°99491, 99492), cette jurisprudence pouvant, à notre sens, recevoir application à la situation des GHT. 

Si le marché concerné est renouvelable, il est loisible à l’établissement membre de ne pas le reconduire. A défaut, il pourrait envisager la résiliation pour motif d’intérêt général, ce motif consistant en l’espèce dans la nécessité de la convergence des systèmes d’information avant la date butoir, sous réserve du respect des droits à indemnités des intéressés, ce qui peut représenter un coût non négligeable pour les établissements.

Il a déjà été jugé que le motif d’intérêt général pouvait correspondre à une réorganisation du service public (CE, 29 avril 1994, Colombani : RFD adm. 1994, p. 479), à une modification de la réglementation (CAA Bordeaux, 20 décembre 1990, Dpt Pyrénées-Atlantiques : Rev. jurispr. cnale mars-avr. 1991, p. 1) ou bien encore à un changement de régime juridique (CE, 22 avril 1988, Sté France 5 c/ Assoc. fournisseurs de la 5 : Rec. CE 1988, p. 157 ; RD publ. 1988, p. 1442).

Il est donc probable que le recours à cette dernière hypothèse soit soumis à l’appréciation du juge administratif qui devra se prononcer sur la réalité et le bien fondé de ce motif. Small is beautiful mais les GHT ne l’entendent pas de cette oreille. Il s’agit bel et bien d’un sursis pour les « petits » éditeurs.

Par Omar YAHIA & Luiza GABOUR 
Cabinet YAHIA-AVOCATS
www.yahia-avocats.fr  

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