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Externaliser le SI ? Oui mais pourquoi faire ?

Cédric Cartau, MARDI 26 DéCEMBRE 2017

Dans un récent article, le magazine ticsante relate une étude(1), menée avec l’APM, et selon laquelle pas loin de la moitié (selon la façon dont on interprète les résultats) des établissements de santé comptent externaliser l’hébergement des données. Avec un petit bémol : ils sont plus nombreux dans les non-CHU (55%) que dans les CHU (moins de 35%).  

Je ne reviendrai pas sur la question de savoir si la prochaine mouture de l’agrément Hébergeur de Données de Santé impacte (dans un sens comme dans l’autre) ce résultat ni sur l’opportunité d’externaliser ou pas le SI. J’ai déjà noirci pas mal de pages sur le sujet, et le lecteur intéressé par une étude globale se reportera à mon troisième ouvrage(2) - fin de la page de publicité. 

Non, ce qui m’interpelle dans cette étude, est la façon récurrente dont revient cette question, que ce soit à la faveur d’une évolution majeure de l’écosystème SI dans le monde de la santé (les plan successifs relatifs à l’hôpital numérique), d’une modification de la réglementation (décret HDS susnommé), voire de l’éternuement d’un responsable quelconque du bureau 18a 3ème étage gauche d’un couloir lambda. Alors comme ce n’est pas encore la nouvelle année et qu’il me reste quelques jours avant de prendre des bonnes résolutions, je vais dire les choses.

Il est piquant de constater que, quand on parle d’hôpital numérique, peu de personnes sont en mesure de définir précisément ce que c’est. Oui, c’est quoi au fait, ce truc dont on nous bassine depuis des années ? Un hôpital avec de l’informatique partout ? Un hôpital classifié 7 sur l’échelle HIMSS ? Un hôpital avec un DPI déployé du sol au plafond ? Ces trois définitions se recouvrent pour partie, mais définissent chacune une vision dont les impacts sont très différents.

Une des meilleures définitions que j’ai pu croiser est celle d’un de mes collègues de travail, selon lequel un hôpital numérique est un établissement dont le bâtiment est un périphérique du SI, au même titre que les terminaux (PC, tablettes, smartphones) sont également un périphérique du SI. Dans un monde parfait, l’hôpital est construit – physiquement, les murs, le toit et tout et tout – autour de son SI et non l’inverse.

A une époque, externaliser le SI tournait autour de la question de l’externalisation de la fonction hotline – on en revient aujourd’hui, toute personne qui a tâté du Lean Management comprendra pourquoi. Maintenant, la mode c’est de se poser la question de l’externalisation de l’hébergement des serveurs, ce qui va de plus en plus souvent déboucher sur la mise sous tutelle d’une partie des données chez l’Oncle Sam, cela interroge un peu quand même. Alors dans ce contexte, la question de savoir s’il faut ou pas externaliser son SI tout ou partie n’est tout simplement pas la question : la question c’est : POUR QUOI FAIRE ? Quel alignement avec la stratégie globale, à quel coût, avec quels risques ? Si l’hôpital est construit autour de son SI, la question de l’externalisation de ce dernier n’est ni intelligente ni stupide, elle est tout simplement hors sujet.

Au fait, quand est-ce qu’on externalise la DRH ? La direction de la logistique ? La direction financière ? Le contrôle de gestion ? La direction des usagers ? La direction de la qualité ? Les secrétariats ? Et puis la Direction Générale tant qu’on y est. On peut aussi externaliser tout l’hôpital…dans un autre hôpital construit quelques kilomètres plus loin. Cela nous rappelle cette boutade d’Alphonse Allais qui disait que pour résoudre la question de la pollution des villes, il fallait construire les villes à la campagne.


(1) http://www.ticsante.com/GHT-la-majorite-des-etablissements-envisagent-d-externaliser-l-hebergement-des-donnees-(etude-TICsante)-NS_3846.html

(2) Stratégies du Système d’Information : vers l‘hôpital numérique ; Presses de l’EHESP, janvier 2014 

#chu#numérique