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Covid-19 : « Hacker » des dispositifs médicaux pour pallier le manque de respirateurs

Charles Blanc-Rolin, JEUDI 23 AVRIL 2020

La pandémie actuelle met en évidence le manque cruel de respirateurs dans l’ensemble des hôpitaux de la planète. En France, nous disposerions d’environ 5 000 dispositifs de ce type, et nos hôpitaux en commanderaient entre 1 000 et 1 500 nouveaux chaque année [1]. Les demandes explosent depuis plus d’un mois maintenant et les constructeurs ont du mal à les satisfaire [2].

airsense-hacked

Le chercheur en sécurité, un tantinet bricoleur, Trammell Hudson [3] s’est intéressé à l’AirSense 10 de ResMed, un appareil de ventilation en pression positive continue de type CPAP [4] utilisé pour traiter généralement le syndrome d’apnée du sommeil.

Aux États-Unis, la FDA a autorisé l’utilisation d’appareils de ventilation en pression positive de type BiPAP comme ventilateurs non invasifs (VNI) [5] à condition qu’ils soient équipés de filtres pour empêcher l’aérosolisation du virus.

Si un appareil de type CPAP, beaucoup moins onéreux qu’un BiPAP, ne semble pas pouvoir assister des patients atteints du Covid-19 – puisqu’il n’est pas capable nativement d’ajuster la pression comme le fait un BiPAP en réduisant la pression à l’expiration et en augmentant la pression lors de l’inspiration [6] et qu’il ne permet pas un paramétrage aussi avancé –, certains modèles tels que l’AirSense 10 de ResMed seraient en capacité de se transformer en BiPAP après un « déblocage logiciel » ou « jailbreak », terme utilisé par les « bidouilleurs » de terminaux Apple.

Trammell Hudson a donc créé un micrologiciel [7] pouvant transformer l’AirSense 10 en un modèle BiPAP quasi équivalent aux autres références du constructeur.Vous savez, c’est un peu comme dans le secteur automobile, quand les constructeurs produisent des modèles disponibles avec plusieurs puissances sur une base commune et qu’il « suffit » de flasher son calculateur moteur pour passer de 90 à 130 cv.Si le projet n’est pour le moment qu’une preuve de concept et qu’il est déconseillé de traiter des patients avec un AirSense 10 « jailbreaké », le chercheur indique en avoir fait valider le bon fonctionnement par des médecins. Il précise également que l’ajout de certains équipements complémentaires est nécessaire, tels que des filtres « antivirus » et un système d’alarme.

Trammell Hudson défend sa position face aux annonces de certains constructeurs en montrant que des appareils de type CPAP, disposant souvent des mêmes caractéristiques électriques et mécaniques, pourraient être « assez facilement » transformés en BiPAP.

Même si cette initiative est plutôt noble et que le terme de « hacking » est utilisé ici tel qu’il l’était à l’origine dans le sens d’une initiative bienveillante, j’imagine aisément que la découverte ne fait bien évidemment pas plaisir au constructeur, puisqu’elle met en avant le fait qu’un « simple déblocage » logiciel pourrait permettre d’activer des fonctionnalités « cachées » et de monter en gamme.
Pour découvrir le projet : https://airbreak.dev/ 


[1] https://www.industrie-techno.com/article/covid-19-comment-la-france-essaie-d-eviter-la-penurie-de-respirateurs-artificiels.59641 
[2] https://www.liberation.fr/france/2020/03/25/la-production-de-respirateurs-a-la-peine_1783107 
[3] https://trmm.net/ 
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ventilation_en_pression_positive_continue 
[5] https://www.fda.gov/media/136702/download 
[6] https://fr.esdifferent.com/difference-between-cpap-and-bipap 
[7] https://github.com/osresearch/airbreak 

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