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Des souris et des hommes (n°1)

DSIH, Aïssa Khelifa , MARDI 24 NOVEMBRE 2020

Voici une nouvelle rubrique dans DSIH, que j’assumerai au gré de mes envies, de mes coups de foudre ou de mes coups de gueule. Bref, des articles de parti pris, présentant une innovation, critiquant une orientation, challengeant tel ou tel acteur du monde de la santé. En toute bonne foi, enfin la plupart du temps… Bien sûr, cela tournera autour de l’innovation, de l’IT, de l’organisation, de la finance. Des choses que j’aime, du moins quand elles sont bien faites.

Au programme de cette première série, une rencontre avec une vieille connaissance, Patrice Large, DSI du CHI Evreux-Vernon et du GHT Eure-Seine et pays d’Ouche. Pas pour parler d’aXigate et de son dossier patient ni de Cpage et de sa suite de gestion administrative (il est administrateur du GIP), mais d’une application déployée par une start-up autour d’un enjeu critique pour un établissement hospitalier.

J’apprécie Patrice pour sa rigueur, sa compétence, sa culture, sa fiabilité… et ses aphorismes. Au début de notre entretien, il me cadre la démarche : « L’Innovation, ce n’est pas que des écrans. La méthode aussi en fait partie. » Le message est clair : on va parler projet et pas technologie.

Alors, de quoi va-t-on parler ? De transports sanitaires ! 

Patrice saisit tout de suite ma déception fugace et me rappelle que la question des transports sanitaires est au cœur du projet du GHT, avec des transferts réguliers entre les 11 établissements MCO, SSR et Psy qui le composent. C’est un enjeu économique très important puisqu’une secrétaire passe en moyenne 20 minutes par patient pour organiser un transport. 20 minutes multipliées par 750 transports par mois ! C’est pratiquement deux ETP à l’année utilisés exclusivement pour planifier les transports des patients, avec en amont et en aval des enjeux importants en termes d’organisation et de flux patients, notamment pour la gestion des lits, le brancardage et la durée moyenne de séjour.

Des axes d’amélioration, et des solutions proposées par une start-up rennaise, Ambuliz, dirigée par Antoine Bohuon, qui se veut « fournisseur de services » et pas « start-up informatique ». Manifestement, le courant est passé entre le CHI et les équipes d’Ambuliz dans leur démarche de coconstruction du projet, qui est rapidement porté comme « projet innovant » par le pôle Circe, en charge de l’innovation au CHI.

Coconstruction est le maître mot de la démarche. Audit préalable, design conjoint des solutions, outsourcing de la mise en œuvre. En quelques semaines, Ambuliz prend en charge l’ensemble de la relation avec les fournisseurs de transport. Sur le plan technique, l’intégralité des demandes est gérée par la plate-forme d’Ambuliz, elle-même interfacée avec le DPI (pour la commande) et la GAP (pour la facturation). C’est Ambuliz qui veille à une répartition équilibrée des commandes entre les différents prestataires de transport du territoire.

Pour les patients, le processus est transparent, juste un peu plus rapide. Pour les soignants en revanche, une grande satisfaction : être enfin dégagés d’une tâche consommatrice de temps, peu valorisante et dont le fonctionnement était jugé « peu satisfaisant ». Après le démarrage réussi sur les deux sites du CHI, l’extension est en cours sur l’ensemble du GHT.

Mais pour Patrice Large, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il compare l’hôpital « à un aéroport. L’enjeu, c’est de disposer d’un outil global qui va structurer et fluidifier l’ensemble du parcours ». Avec bien la possibilité de mesurer les flux en permanence. Quand on arrive à l’aéroport, c’est tout le parcours qui est fléché et structuré. D’où la nécessité de se poser pour « déconstruire/reconstruire » l’existant et définir de nouvelles organisations.

Le transport sanitaire n’est donc que la première phase d’une approche plus large du parcours du patient. La deuxième étape, c’est le brancardage des patients dans l’établissement, avec une approche similaire (audit, design et coconstruction), mais une contrainte supplémentaire liée aux enjeux sociaux. L’audit a été réalisé, mais il a été compris comme un « audit du brancardage » et non un audit de l’outil, ce qui nous ramène à un fait essentiel : la majorité des problèmes « informatiques » se trouve en dehors du SI proprement dit.

La prochaine étape sera la gestion des lits…

Pour finir cette chronique, un nouvel aphorisme, non pas de Patrice Large, mais cette fois d’Antoine Bohuon : « La perfection, ce n’est pas quand on a mis tout ce qui était possible, c’est quand il n’y a plus rien à enlever. » Une phrase à méditer pour certains éditeurs ! 


L'auteur

Aïssa Khelifa travaille depuis 30 ans dans le monde de la santé, à l’interface de l’IT, de l’innovation, du dispositif médical et de l’économie. Il a exercé des fonctions de management dans l’industrie pharmaceutique, le conseil, l’informatique de santé et dirige actuellement Milvue, une société d’IA appliquée à l’imagerie médicale.

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