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Où en est-on de la sécurité des données patients ?

Cédric Cartau, MARDI 24 SEPTEMBRE 2019

Le top départ de l’e-santé 2022 a récemment été donné (voir la vidéo [1]de la première session du Tour de France ainsi que l’analyse [2]à grosse maille de votre serviteur), et c’est une bonne chose que la SSI fasse partie des préoccupations officielles des pouvoirs publics. Cela étant, où en est-on de la sécurité des données patients, justement ? D’où part-on ? Quel chemin, de roses ou de croix, à parcourir ?    

Rappelons tout d’abord que la SSI, c’est DICP, toujours DICP, et rien que DICP. Disponibilité, Intégrité, Confidentialité et Preuve (ou Traces selon la terminologie de certains). C’est bien au regard de ces quatre critères qu’il faut analyser la situation, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est nuancée, pour rester dans le registre positif.

Concernant le D, d’abord, c’est plutôt pas mal. La disponibilité des données médicales, c’est essentiellement la somme des contre-mesures à une panne matérielle ou logicielle, en gros, tout le dispositif PRA-PCA : Plan de reprise d’activité et Plan de continuité d’activité. Je n’entre pas dans le détail des différences entre ces deux sigles (il y a autant de définitions que de personnes à qui vous poserez la question, et certains appellent PCA ce que d’autres nomment PRA et inversement). Il faut juste retenir que le dispositif technique est nécessairement doublé de procédures organisationnelles : celui qui a juste dédoublé un serveur n’a ni PCA ni PRA, mais seulement un Plan de secours informatique (PSI). Sur le PRA-PCA, donc, le bilan est plutôt positif : presque tous les gros établissements disposent d’une salle de secours, avec des procédures techniques de bascule, la question des procédures dégradées métiers a la plupart du temps été évoquée avec les intéressés et la majorité des DPI de la place disposent d’une fonction de « PC de secours » (sur un ou plusieurs PC, un batch régulier copie automatiquement les données essentielles des patients de l’unité en cas de gros crash du DPI). Et la situation va qui plus est s’améliorer encore du fait des GHT, puisque les établissements supports vont pour la plupart faire bénéficier l’ensemble du GHT de leur dispositif en place. Bref, tous les indicateurs sont au vert.

Le I, c’est certainement le pire. Il s’agit de garantir l’intégrité des données médicales, c’est-à-dire qu’elles ne soient altérées ni par un bug ni par une action humaine, volontaire ou non. Le bilan s’exprime facilement : il n’y a aucune base de données de « logicielo-vigilance » à l’échelon du territoire, les check-lists de mise en production ne sont pas obligatoires (certaines DSI ouvrent de grands yeux à la seule évocation de ce terme), sans parler des protocoles de tests de certains éditeurs, qui frisent le zéro absolu dans trop de cas. Pour information, l’aviation civile a mis en place ce dispositif lors de la convention de Chicago en 1944 – la santé a juste 75 ans de retard. Bref, c’est un quasi-zéro pointé, et presque aucun hôpital n’est à l’abri d’un nouvel accident d’Épinal [3].

Pour le C, bilan mitigé, et en même temps ceux qui se frottent à cette question ont la sensation bizarre de chercher la quadrature du cercle. D’un côté, les DPI implémentent tous ou presque des matrices d’habilitations plus ou moins complexes, avec parfois le principe de l’habilitation a priori et parfois a posteriori – il n’y a pas de système ultime, tout dépend des établissements, de leur typologie d’activité, de leur taille, etc. De l’autre, les traces générées par les DPI, qui permettent de savoir qui a consulté quoi, sont tellement verbeuses qu’elles deviennent généralement inexploitables à moins de savoir exactement ce que vous cherchez. Par exemple, il est tout à fait possible de savoir si le praticien X a consulté les données du patient Y – et plus ou moins facile en fonction des DPI et des outils disponibles. Mais si vous voulez la liste de tous les agents qui ont consulté le dossier du même patient, bon courage ! Idem si vous voulez savoir quels dossiers patients a consultés un praticien donné, car le système génère beaucoup de bruits, a fortiori dans les gros établissements, a fortiori dans les GHT, et je ne vous parle pas des DP de territoire ni, et encore moins, du DMP.

Le P (ou le T), c’est un cas à part. Peu de systèmes relèvent du P et exclusivement du P : l’enregistreur téléphonique du Samu, la supervision des enceintes réfrigérées et de la chaîne de stérilisation, c’est à peu près tout. Bref, à ce stade, ce n’est pas un critère déterminant – compte tenu du fait que la traçabilité des accès au DPI dépend du C dans la dichotomie utilisée ici.

En relisant les critères Hop’en, on ne peut manquer de remarquer que si le D et le C sont bien mentionnés dans les prérequis (cinq critères sur les huit les concernent de près ou de loin), le I est totalement absent. Mon petit doigt a dit à mes grandes oreilles que les pouvoirs publics vont demander des tests spécifiques aux établissements de santé, en plus des critères Hop’en : je suis impatient de savoir ce qu’il y aura dans le paquet.


[1]   https://esante.gouv.fr/tour-de-france-de-la-e-sante-lille 

[2]   https://www.dsih.fr/article/3481/e-sante-2022-top-depart.html

[3]   https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Sante/exposition-patients-sante-radioprotection/accidents-sanitaires/accident-radiotherapie-epinal/Pages/sommaire.aspx#.XYZngi_pNTY 

#sécurité#ssi#dpi#pra


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