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Un congrès en réalité virtuelle pour une santé en réelle évolution

DSIH, Damien Dubois, MARDI 15 DéCEMBRE 2020

Le Congrès de la SFSD s’est déroulé début décembre. Quatre jours de congrès 100 % digital et en réalité virtuelle, sans doute à l’inverse de ce que doit être la santé de demain. Il s’est terminé le vendredi 4 décembre avec une session sur la place de la télémédecine dans la santé de demain

Covid oblige, le Congrès 2020 de la Société française de santé digitale s’est tenu en… digital. Non pas sur Zoom, Teams ou autres plateformes, mais sur une île ensoleillée en réalité virtuelle, version jeu vidéo de simulation. Pendant quatre jours, les avatars des intervenants, partenaires et congressistes ont évolué entre l’auditorium, les salles d’ateliers et les espaces d’expositions, échangé en groupe ou en privé, dans un bureau fermé.

Les quatre jours de masterclasses sur les atouts, les limites et les enjeux de la santé digitale d’aujourd’hui et de demain se sont terminés par une session sur la place de la télémédecine dans la santé de demain, avec Jean-Jacques Zambrowski, professeur en médecine, médecin spécialiste en médecine interne, consultant en politiques et économie de la santé, délégué général aux Affaires institutionnelles de la SFSD. Autant d’échanges qui ont bien montré l’importance de l’humain et du relationnel dans les évolutions de la santé digitale.

Priorités humaines et organisationnelles

Pour le Pr Guy Vallancien, membre de l’Académie nationale de médecine, avant de réfléchir à la place du numérique dans la santé, il faut développer les coopérations dans le sens des actions qui commencent à se mettre en place, en particulier dans le cadre des plateformes territoriales. Cette coordination doit se retrouver dans la recherche et l’industrie, avec des relais plus forts entre les acteurs. Il appelle même à la fusion du CNRS et de l’Inserm en un institut de recherche en santé.

Le second axe de progrès est lié à l’évaluation de la pertinence et de la qualité de l’activité, qui a manqué selon lui à la T2A : « Il y a inflation d’actes lorsque ceux-ci permettent de rapporter de l’argent, notamment à l’hôpital mais aussi dans les cliniques. » Le numérique n’est ici qu’un outil de facilitation de la transformation permettant l’accès en temps réel aux données et l’évaluation « des bons actes, pour les bonnes personnes, avec la bonne qualité » afin de pouvoir apprécier objectivement les données médicales et le ressenti subjectif des patients.

Pour Guy Vallencien, ce sont donc surtout les mentalités qui doivent changer pour offrir un système de santé adapté, en sollicitant et en équipant des acteurs de soins du terrain, au plus près des malades, en particulier les infirmières de pratiques avancées, avec des téléphones dédiés, sécurisés et financés par les autorités sanitaires. Si la télémédecine transforme considérablement les métiers, elle doit être un outil au service des usages, notamment des infirmières de proximité qui, pour le Pr Vallencien, sont à un poste clé de la prise en soins à l’heure de l’ambulatoire et de la chronicisation. En ce sens, il prône le rapprochement du médical et du médico-social.

La « garantie humaine » de l’IA en santé

Dix ans ont été nécessaires pour déverrouiller le modèle économique de la télésanté et de la télémédecine. Pour David Gruson, fondateur d’Ethik-IA et auteur de nombreux ouvrages sur l’intelligence artificielle, « la fin de cette décennie appelle à l’optimisme et à la mise en garde ». La crise de la Covid-19 a certes accéléré la mise en place du modèle médico-économique du numérique et a permis à la télésanté d’entrer dans les pratiques courantes, notamment grâce au déblocage des règlements. « Nous ne pouvons nous permettre d’attendre ne serait-ce que 18 mois pour déverrouiller les pratiques », si nous ne voulons pas voir les acteurs se tourner vers des opérateurs non-européens « avec un risque de délitement du principe de solidarité qui fonde notre sécurité sociale ».

Par ailleurs, David Gruson reste optimiste sur la reconnaissance de la notion de « garantie humaine » de l’intelligence artificielle en santé, validée dans l’article 11 du projet de loi de bioéthique. « Ces technologies nouvelles doivent rester sous supervision des professionnels et des patients pour en confirmer le sens, l’efficacité et les fonctionnalités, même s’il y a adéquation avec les valeurs relatives à l’attention à accorder au patient », souligne-t-il.

Engagement des professionnels et des patients

Pour Yann-Maël Le Douarin, responsable du comité scientifique du Congrès et président du collège Télésanté de la SFSD, « nous ne pouvons réglementer sur la même base que pour la télémédecine il y a dix ans. C’est ce que nous essayons d’acter avec le texte de loi sur le télésoin », dans une dynamique simplifiée et plus opérante en intégrant dans le champ de compétence des professionnels de santé les différents cadres du télésoin.

Pour autant, M. Le Douarin n’est pas optimiste sur l’engagement des professionnels de terrain dans le télésoin : « Nombreux sont ceux qui sont concentrés sur le rafistolage de la médecine d’hier plutôt que sur la construction de la médecine de demain. » La santé digitale doit au contraire, selon lui, être vue comme une opportunité d’ajouter la prévention au soin et d’apporter du bien-être aux patients « en repensant le système de santé ». Cette évolution passe inévitablement par le renforcement de la démocratie sanitaire, et donc de la place du patient dans la construction du système de santé. Le numérique est ainsi au service des professionnels, mais surtout des patients et de leur parcours.

En conclusion, la prise en charge de demain, grâce au numérique, doit être concrète, humaine, de proximité, et non en réalité virtuelle.


Prix de l’innovation en santé numérique 2020

Le dernier jour du Congrès, le prix de l’innovation SFSD-Snitem-Medicen Paris Région a été décerné. Le jury était composé de David Gruson et d’Armelle Graciet, respectivement responsable du département d’intelligence artificielle et membre du collège scientifique et éthique de la SFSD, d’Eartha Madiba Din, chef de projet Innovation chez Medicen Paris Région, et du Dr Béatrice Falise Mirat, directrice scientifique de Care Insight. Parmi les six projets présélectionnés, deux ont été retenus par le jury.

Eyeneed, une plate-forme d’orientation des usagers vers un ophtalmologiste, un orthoptiste ou un opticien en fonction de leur besoin, fondée par le Dr Étienne Gardea. Elle vise à contribuer à résoudre les problématiques d’accès à l’ophtalmologie, y compris dans les secteurs isolés. « L’idée est un système collaboratif, explique Étienne Gardea. Notre vision de l’ophtalmologie de demain est extrêmement collaborative. Le soignant ne sera plus seul à exercer la médecine, mais aura beaucoup de collaborateurs. Eyeneed est le lien entre les différents collaborateurs en respectant la sécurisation des données et de leur transfert. »

Le coup de cœur du jury a été attribué à Wefight, une start-up spécialisée dans les assistants virtuels qui accompagnent les patients pendant leur parcours de soins. Vik est un chatbot qui utilise le numérique comme vecteur de médiation dans plusieurs aires thérapeutiques (cancer du sein, dépression, migraine). La version présentée concernait la dermatite atopique. « Nous accompagnons le patient dans de plus en plus d’indications pour lui permettre d’être acteur de son parcours de soins », explique Morgane Decultieux, key account manager de la société. Vik est enrichi de nouvelles « fonctionnalités pour en faire une boîte à outils pour les patients et leurs proches. »

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