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E-santé : Innover ou réguler ?

DSIH, Damien Dubois, LUNDI 12 FéVRIER 2018

La conférence annuelle de l’Asip Santé a été l’occasion de questionner les grands défis de l’e-santé et de la transformation numérique, mais aussi de montrer, sondages à l’appui, que le grand public est plus ouvert aux nouvelles technologies de santé que les professionnels.

La conférence annuelle de l’Asip Santé du 30 janvier dernier – qui a réuni 350 professionnels sur le thème E-santé : Innover ou réguler ? – a permis de s’interroger sur les enjeux que représentent l’innovation et la transformation numérique. Pour Michel Gagneux, directeur de l’Agence, « les acteurs de la santé numérique pourront concilier innovation et régulation en relevant les défis que sont l’interopérabilité à grande échelle, la capacité à susciter des synergies entre les professionnels du secteur et la visibilité à long terme pour l’ensemble de l’écosystème afin d’identifier et de capter les investissements dans l’e-santé ».

Entre plébiscite et frilosité

En préambule du colloque a été présenté le dernier Baromètre santé 360° d’Odoxa, focalisé cette année sur les attentes des patients, ainsi que les résultats d’un sondage effectué pour l’Asip Santé. D’après le baromètre, patients et usagers sont fortement partisans de l’utilisation d’outils numériques dans la prise en charge. Ils apportent « plus d’humanité et de dialogue entre les soignants et les patients », en particulier le dossier patient informatisé (75 %) et les applications de suivi pour les maladies chroniques (71 %) ; une tendance nette et durable selon Odoxa.

En parallèle, le sondage de l’Asip Santé montre le hiatus entre ce plébiscite et la frilosité des acteurs de santé qui surestiment la prévention dont peuvent faire preuve les patients : seulement 11 % des Français se sont vu prescrire des objets connectés – soit à peine 4 points de plus en trois ans – alors que 69 % d’entre eux y seraient favorables.

Innovation et cadre commun : les deux visages de la création de valeur

Une première table ronde s’est ensuite attachée à montrer que l’innovation est le moteur principal de l’e-santé. La liberté d’initiative et d’expérimentation est ainsi un préalable incontournable pour ne pas se limiter aux cadres de gestion traditionnels. Dans ce processus, Valérie Peugeot, commissaire à la Cnil, estime que « la Commission nationale de l’informatique et des libertés doit d’abord être un accompagnateur plutôt qu’un gendarme afin d’aider les acteurs à réconcilier innovation et régulation ».

Selon Anna Ferrère, responsable Animation réseau d’Alsace BioValley, cette nécessaire liberté n’est pas en contradiction avec un accompagnement des acteurs de l’innovation : « On constate un faible niveau de connaissance du cadre par ceux qui innovent… Il est pourtant nécessaire d’accélérer le rythme d’évolution de la réglementation aux nouveaux usages. Pour ce faire, il faut continuer d’associer les innovateurs à la gouvernance du cadre. »

Dans un second temps, l’appropriation à large échelle de l’innovation nécessite un espace de confiance interconnecté. Stanislas Niox-Château, CEO de Doctolib, considère que si sa structure « s’est fondée en conformité totale avec la réglementation, qui s’est révélée être un atout plus qu’un handicap, le service qu’elle propose aujourd’hui ne va pas assez loin en matière d’interopérabilité ».

Une nouvelle dynamique de diffusion et d’accompagnement

La seconde table ronde a mis en avant qu’une articulation fluide entre innovation et régulation est facilitée par l’adhésion aux objectifs et aux exigences d’un cadre commun. Pour Carlos Jaime, DG d’InterSystems France, « la réglementation est un prérequis pour inspirer confiance aux utilisateurs et mettre des barrières à l’entrée d’acteurs qui développent des solutions insuffisamment sécurisées… En tant qu’industriel, j’attends un plan Marshall de la donnée de santé porté par le gouvernement, composé d’un projet national, d’une méthodologie claire et d’étapes précises ».

Ce qui, pour Corinne Ségalen, CEO de Calmedica, n’exclut pas la prise de risque : « La règle et la contrainte sont sources d’inventivité. L’innovation a besoin de partenaires qui savent réfléchir à l’esprit plutôt qu’à la lettre de la loi et accepter de prendre une petite part de risque… »

Plus que jamais, la question de la gouvernance et celle de l’accompagnement deviennent un enjeu. Pour Gaston Steiner, directeur en charge de l’e-santé à l’IHU de Strasbourg, « il existe aujourd’hui un vrai besoin de mutualiser, à l’échelle d’un vaste territoire, l’accompagnement et l’expertise pour aider les acteurs numériques à se conformer au cadre commun… Il faut mettre en place un soutien mieux ciblé pour les start-up, en parallèle de ce qui est déjà organisé pour les industriels ». 

Un constat partagé par Laurent Tréluyer, DSI de l’AP-HP : « Aujourd’hui, l’une des grandes difficultés que nous rencontrons, c’est la complexité du parcours d’une idée : de son émergence à son usage, c’est le parcours du combattant… Des innovations ne sont parfois mises en production qu’au bout de deux ou trois ans ! »

En conclusion, Michel Gagneux s’est félicité que l’on aboutisse à une communauté de vues des acteurs de la e-santés. La clé est de « mobiliser les forces qui forment, conduisent le changement auprès des acteurs, dans un cadre de régulation adapté et consolidé par une stratégie publique lisible. »

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