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Numérisation des documents : la question de la valeur probante

Cédric Cartau, LUNDI 23 JANVIER 2017

Janvier 2017 aura décidément été riche en textes (ordonnances) dans le monde de la santé, et en plus de celle concernant la refonte du décret hébergeur, les pouvoirs publics viennent de publier le 13 courant une ordonnance[1] concernant la valeur probante des versions numérique des documents papier.  

L’objectif de cette ordonnance est évident : avec le déploiement des dossiers patients informatisés (DPI), les établissements vont s’engager – si ce n’est pas déjà le cas – vers la numérisation de leurs archives, avec le corollaire du devenir de l’original papier. En synthèse, il faut retenir trois points majeurs : le processus de numérisation, qui doit garantir que l’on ne modifie pas le document original et que l’intégrité de la copie numérique est garantie, le processus de signature numérique du document électronique, pour lequel il existe un certain nombre de préconisations (RGS, etc.) et enfin la destruction physique du document original, qui doit de toute manière recueillir l’aval des archives départementales, puisque dans la fonction publique, par défaut, tout est une archive.

L’ordonnance a le mérite de lever un doute qui n’aurait pas manqué de poser souci dans un avenir proche, même si différentes réglementations (LCEN) ont par le passé abordé, par exemple, la question de la valeur probante de la signature numérique. Cela étant, l’intégralité du problème n’est pas traitée.

Me Omar Yahia[2], certainement l’un des meilleurs spécialistes français du droit de la santé, a produit il y a environ un an une étude très complète sur ce sujet, qui se découpe en trois parties : il y a, d’une part, le document papier provenant de l’extérieur (par exemple, les patients qui se rendent dans un établissement avec une ordonnance de leur médecin traitant), d’autre part, les documents créés à usage interne (les notes de service, les décisions réglementaires, les comptes rendus d’instances, etc.) et, enfin, les documents élaborés en interne à destination de l’extérieur (la prescription pharmaceutique de sortie d’un patient, entre autres). La présente ordonnance semble régler le premier cas, tant les documents externes arrivent presque toujours sous format papier, et qu’il faut bien gérer leur cycle de vie : numérisation et destruction sont encadrées, point.

Pour ce qui concerne la deuxième catégorie, cela se complique : qu’un compte rendu d’instance soit imprimé, signé par le directeur général, puis numérisé tandis que l’original est détruit ne choquera personne. En revanche, pour ce qui concerne les autorisations d’opération chirurgicale sur un mineur, les autorisations d’IVG ou de participation à un protocole de recherche clinique, quand on sait le nombre de contentieux juridiques qui émanent de ces catégories, à moins d’être absolument certains de respecter les textes pour le processus de numérisation et de signature, il est fortement conseillé de conserver les originaux, du moins pour les quelques années à venir.

Enfin, le cas de la troisième catégorie est problématique : dans un DPI, les documents sont par défaut sous format numérique, de même que la signature. Mais cette signature ne peut pas suivre le passage au papier. Lorsque l’on imprime une ordonnance, un certificat numérique ne s’agrafe pas à une feuille A4. Alors, certes, on pourrait imprimer en bas du document la mention « signé électroniquement par le Dr X en date du… », mais un pharmacien de ville l’acceptera-t-il ? Pour une ordonnance de Doliprane certainement, pour de la morphine pas sûr.

En résumé, tout numérique ou tout papier, cela fonctionne, mais la transition entre les deux va nécessiter quelques années, et de l’huile de coude.


[1] http://www.ticsante.com/Une-ordonnance-precise-les-conditions-pour-garantir-une-valeur-probante-aux-donnees-de-sante-numerisees-NS_3350.html  

[2]   www.yahia-avocats.fr 

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