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Analyse darwinienne de la physiologie des RSSI et ses impacts sur la parité

Cédric Cartau , LUNDI 06 NOVEMBRE 2023

Si les girafes ont un long cou, c’est parce qu’elles ont dû aller chercher leur repas en hauteur dans les arbres. Les girafes à petit cou n’ont pas survécu ; elles n’ont donc pas pu se reproduire avant de mourir et ainsi transmettre les gènes du petit cou (bon, c’est un peu plus nuancé que cela, mais c’est en gros l’idée générale).

Dans 5 000 ou 10 000 ans, si l’humanité existe toujours, nul doute que les historiens qui réaliseront des fouilles archéologiques dans les ruines de nos datacenters auront pas mal de questions sans réponse. Je vois bien une équipe de l’an 12023 disserter sans fin pendant les longues soirées d’hiver sur la raison pour laquelle nous avons des DPI préhistoriques, écrits dans des langages de développement antédiluviens et sans aucune interopérabilité, des messageries qui laissent passer des pièces jointes avec du JavaScript Embedded ou des macros dans des fichiers Excel, voire, pire encore, des imprimantes qui fonctionnent avec des drivers (mais quel est le crétin qui a décidé que le PostScript ne servait à rien ?).

Mais ces historiens du futur et leurs collègues biologistes chercheront surtout à comprendre les caractéristiques physiques des RSSI de l’an 12023. Et feront certainement l’analogie avec les girafes : si telle caractéristique physique existe, c’est parce que les RSSI du passé qui ne disposaient pas du bon gène sont décédés avant d’avoir eu le temps de se reproduire – et de transmettre ce gène non optimal, vous suivez ?

Et justement, puisque l’on parle de girafe, nul doute que les RSSI et les DPO auront dans 10 millénaires un cou de 2 mètres au minimum, histoire de pouvoir surveiller facilement les collègues dans les bureaux paysagers sans avoir à décoller leur fessier du fauteuil, un peu comme les suricates dans la savane qui passent leur temps le museau au vent et la truffe levée à épier les prédateurs. Dans la même veine, j’hésite à pronostiquer la disparition complète des vertèbres cervicales, mais ce serait hyperpratique de pouvoir faire un 360° avec la tête histoire d’être plus efficace.

Par contre, une évolution dont je suis sûr – mais alors absolument certain –, c’est la disparition quasi totale des empreintes du pouce et de l’index gauches (pour les droitiers ; pour les gauchers, c’est à droite). De génération en génération, à force de faire le signe du manque de flouze avec ces deux doigts (geste universel s’il en est) en frottant pouce et index, les empreintes finiront par disparaître.

Côté vision, nul doute que le champ visuel va s’élargir. Il est de 220° en horizontal et de 140° en vertical pour l’humain lambda, mais à force de déjeuner seul à la cantoche dos au mur, je prévois sous peu une extension à 360° dans les deux dimensions, ce qui conduira à déplacer les orbites visuelles sur le côté de la tête à la manière des mouches.

Côté ouïe, il est évident qu’à force de tourner la tête du côté droit (pour les droitiers ; pour les gauchers, c’est l’inverse) quand ils se font hurler dessus pour avoir bloqué les envois de documents ultrasensibles par du Gmail en clair, l’oreille gauche (des droitiers) finira par devenir totalement sourde. On va donc lentement et sûrement vers une seule oreille opérationnelle dans la profession, tare qui sera certainement compensée par l’apparition de deux doigts supplémentaires pour taper du script Unix à longueur de journée.

À partir de là, nous allons être confrontés à un défi de taille : trouver un partenaire. Vous conviendrez que quand on a un cou de 2 mètres, des yeux de mouche et 12 doigts, c’est un peu touchy pour avoir des matchs Tinder avec de jolies avocates (pour les RSSI mecs) ou avec des triathloniens-joueurs-de-saxophone-profs-de-philo-bilingues-italien-sauveurs-de-bébés-phoques[1] (pour les RSSI filles) – bon, c’est caricatural, mais vous avez compris l’idée. La conséquence logique est que les RSSI finiront par se reproduire entre eux et qu’à ce stade on a un problème bêtement comptable : le déséquilibre garçons/filles de la profession. Sauf à pronostiquer une mutation hermaphrodite (peu probable si j’en juge par les derniers 3 millions d’années de l’espèce humaine), il est urgent urgent urgent de recruter des filles. CQFD.

Bon, tout le monde a intégré l’importance de la parité dans le métier de RSSI ou il faut que j’invente un autre scénario débilo-rocambolesque ?


[1]   C’est le grognivore des montagnes qui m’a forcé à écrire cela, ce n’est pas ma faute.


L'auteur 

Responsable Sécurité des systèmes d’information et correspondant Informatique et Libertés au CHU de Nantes, Cédric Cartau est également chargé de cours à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). On lui doit aussi plusieurs ouvrages spécialisés publiés par les Presses de l’EHESP, dont La Sécurité du système d’information des établissements de santé.

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